Réforme des retraites et régimes très spéciaux

sncf-train-autonome-telecommandeComme les syndicats de la SNCF et de la RATP ont décidé de lancer le 5 décembre une grande grève contre le projet de réforme des retraites concernant l’ensemble des Français, il me semble intéressant d’aller enquêter sur la situation actuelle comparée des salariés de ces deux entreprises à celle des salariés travaillant dans le secteur privé et dans les organisations appartenant à l’économie sociale et solidaire (ESS).

Évoquons les problèmes économiques majeurs qui se posent à tous les Français.

  • L’emploi et le chômage

C’est à juste titre une des préoccupations principales des Français : au 3ème trimestre 2019, il y avait 3 364 500 personnes sans emploi et 2 166 100 personnes ayant une activité réduite, (temps partiel, petits boulots reconduits tous les mois, contrats précaires etc.), au total 5 530 600 personnes, ce qui est considérable. Perdre son emploi est un traumatisme accompagné de désocialisation, de stress, de troubles du sommeil, de consommation de psychotropes, d’alcool etc. Or le risque d’être licencié dans le privé ou l’ESS concerne aujourd’hui la majorité des salariés que ce soit dans les TPE, les PME et les grandes entreprises. A la RATP ou à la SNCF, on a l’assurance d’avoir un emploi à vie.

  • La pauvreté, les revenus, le niveau de vie et le pouvoir d’achat

Selon l’INSEE, il y avait 8,9 millions de pauvres1 en France en 2017, concernant 20 % des enfants et représentant 14 % des ménages français. La pauvreté engendre un sentiment de précarité particulièrement répandu chez les jeunes qui se demandent s’ils ont une chance d’avoir dans l’avenir une situation « acceptable ». Je ne me permettrai pas de rapprocher la situation et les revenus des agents de la SNCF et de la RATP avec la masse de ces personnes qui gagnent au mieux le SMIC, ou vivent principalement des transferts sociaux, mais il est possible de les comparer avec d’autres secteurs proches. Selon le rapport de la Cour des Comptes sur « La gestion des Relations Humaines du Groupe Public ferroviaire SNCF » de juin 2019, « les niveaux de rémunération sont dans la moyenne des autres secteurs ». D’autre part, il y a entre 2012 et 2017 des gains de pouvoir d’achat chaque année, les rémunérations moyennes des personnes en place (RMPP) étant toujours supérieures à 2% pour un taux d’inflation plus faible.

Enfin, la SNCF a mis en place un accord collectif appelé « Compte Épargne Temps » (CET) qui, selon le rapport déjà cité de la Cour des Comptes page 39 prévoit que « lors du départ en retraite d’un salarié, l’entreprise verse un surabondement de 50 % du compte fin d’activité (porté à 100 % pour les roulants) pouvant conduire à près de 2 ans de salaire sans activité si le compte fin d’activité est au maximum ».

  • Le budget des ménages

Dans le budget des ménages, on parle souvent de dépenses contraintes. Examinons certaines d’entre elles.

Les soins médicaux sont un poste important des dépenses chez les ménages, même si une partie est remboursée par la Sécurité Sociale et les Mutuelles ; à la SNCF, les soins sont gratuits aussi bien en médecine généraliste qu’en médecine spécialisée.

1 Selon l’INSEE, la pauvreté concerne en France tous les ménages dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian, en 2017 le seuil de pauvreté était de 1 041 € par mois et le niveau de vie médian des personnes pauvres étant de 837 € par mois. 

Le poste « Transport » est également coûteux pour toutes les familles. A la SNCF, le salarié et le retraité voyagent gratuitement toute l’année avec 8 réservations gratuites. Les enfants et conjoints ont droit à 8 voyages gratuits et 90 % de réduction sur les voyages suivants. Les parents et les grands-parents de l’agent et de son conjoint bénéficient également de 4 voyages gratuits par an. Et le comble qui a mis en colère les conseillers de la Cour des Comptes, personnes d’habitude plutôt calmes et réfléchies, est que les agents de la SNCF sont prioritaires par rapport à vous et moi lorsqu’un train est complet (effet d’éviction).

Les dépenses de logement

La location de logement représente 14 % des dépenses de consommation des ménages en 2016. La SNCF dispose de logements en France qu’elle loue à un loyer attractif ; en Ile de France, elle attribue des aides aux nouveaux embauchés et propose des logements avec des loyers modérés.

  • Enfin les retraites

Le montant des retraites du privé est basé sur les 25 meilleures années de revenu, alors que celui de la SNCF l’est sur les 6 derniers mois. C’est un avantage considérable car les rémunérations à la SNCF étant essentiellement liées à l’ancienneté, elles ne font donc qu’augmenter jusqu’aux derniers mois, alors que, dans le privé, les parcours professionnels ont pu connaître des aléas comme le chômage ou la rétrogradation vers un poste moins rémunéré.

L’écart concernant l’âge de la retraite est également très important : dans le privé en France, l’âge légal de départ est fixé à 62 ans, l’âge moyen réel est de 63,4 ans et l’on sait bien qu’il ira en croissant ; dans les pays de l’OCDE, la moyenne est autour de 65 ans. A la SNCF, les conducteurs de train peuvent partir entre 50 et 52 ans, les autres agents entre 55 et 57 ans.

Enfin, il n’y a aucun risque pour le paiement des retraites à la SNCF parce que c’est l’État qui finance, alors que dans le privé, les deux institutions chargées des retraites, l’ARRCO pour tous les salariés et l’AGIRC pour les cadres sont gérées par le patronat et les syndicats qui, en cas de difficultés financières, peuvent décider d’augmenter les cotisations ou de désindexer les pensions.

En matière de retraite, il y donc bien 2 poids et 2 mesures.

En résumé, si on fait le bilan des avantages dont bénéficient les agents de la SNCF, on constate qu’il s’agit d’une catégorie de salariés jouissant de multiples privilèges dont la plupart n’ont d’autres explications que l’héritage du passé. Seuls des critères comme la pénibilité dans certains métiers justifient ces avantages. Il est donc temps que les régimes que j’ai qualifiés de « très spéciaux » disparaissent : en effet, « il s’agit d’un problème d’acceptabilité par le reste de la communauté nationale », comme le dit joliment la Cour des Comptes.

Je suis loin d’en avoir terminé avec la SNCF ou la RATP, car il s’agira d’aller voir comment ces organisations fonctionnent au service de leurs clients.

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Un commentaire sur “Réforme des retraites et régimes très spéciaux

  1. Cher Jean, merci de t’ être donné la peine, pour le bien de nos compatriotes français de faire ce point clair sur les régimes spéciaux. Le constat est pour quelqu’un qui veut bien regarder les choses en face, sans appel !

    Ce qui complique tout ce sont les surenchères syndicales et l’expression regroupée de tous les mécontentements, justifiés ou non, attisés par les extrêmes de gauche et de droite. Amicalement .

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