Les Français ne se sont jamais précipités pour aller voter aux élections européennes, en 2014, par exemple, le taux de participation était seulement de 42,6 %. La raison principale de ce relatif désintérêt tient au fait que le Parlement européen et son travail législatif sont encore invisibles. Autant le citoyen peut donner le nom du député de sa circonscription, autant il est généralement incapable de citer celui qui le représente au Parlement européen – et dire de quoi il s’occupe – souvent perçu comme lointain, traitant de sujets éloignés des préoccupations des Français.
Il y a une part de vrai dans ce diagnostic : les moyens de communication organisés entre le citoyen et son député européen n’existent pas. En ce domaine il reste donc beaucoup à faire pour construire enfin une relation régulière entre ces deux personnages. Mais l’autre partie du diagnostic est erronée, car le Parlement européen n’arrête pas de se saisir des problèmes concrets rencontrés par les Français : il suffit de consulter la liste des sujets sur lesquels il s’est penché, par exemple au cours du dernier trimestre 2018, en votant des lois ou en faisant des propositions de textes en direction de la Commission.
- En matière de pollution des océans, il a obtenu de voir augmenté le nombre de produits plastiques qui seront interdits de fabrication dans le futur, et donc déversés en mer.
- En matière d’énergie, l’accord sur le marché de l’électricité prévoit une augmentation des flux transfrontaliers d’électricité issus des énergies renouvelables, l’arrêt des subventions d’État pour les centrales à charbon les plus polluantes et la possibilité pour les États membres de règlementer les tarifs temporairement pour aider et protéger les foyers en situation de précarité énergétique ou vulnérables.
- En matière de lutte contre le terrorisme, le Parlement a proposé de nouvelles mesures contre la radicalisation, le financement du terrorisme et en soutenant les victimes.
- En matière d’évasion fiscale, la proposition consiste à créer une taxe au niveau européen contre les grandes entreprises des technologies du numérique.
Enfin, de nombreux outils européens sont utilisés pour aider les territoires : le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation sera activé pour apporter aux personnels licenciés de l’usine Ford des ressources financières complémentaires pour se reconvertir, et 500 millions d’euros sont destinés chaque année à aider l’agriculture bretonne, deux exemples parmi beaucoup d’autres tous aussi pertinents pour aider les régions.
Des esprits chagrins me feront remarquer que les mécanismes décisionnels dans l’Union Européenne sont complexes avec une articulation délicate entre les propositions de la Commission européenne et le vote des lois par le Conseil européen (composé des gouvernements) et le Parlement, et qu’ils sont longs à être mis en œuvre. Je n’en disconviendrai pas, et je souhaite qu’à l’avenir les processus décisionnels soient simplifiés et accélérés, mais cela n’enlève rien à la nécessité de disposer, grâce à l’Europe, de possibilités d’action à l’échelle d’un continent, face à la Chine et aux États-Unis, les deux États-continents les plus puissants du monde qui ne cessent de nous bousculer et de nous tailler des croupières que la France seule est incapable de contrer.
Certains parmi nous risquent de penser qu’il y a mieux à faire que d’aller voter alors que les braises de la révolte des gilets jaunes sont encore brûlantes. Je leur répondrai qu’au contraire, il faut aller voter le 26 mai, car la colère exprimée et les problèmes posés méritent d’être traités non seulement par la France, mais aussi par une structure européenne. Et, à ce niveau, c’est le Parlement européen qui est l’institution pertinente, car il est d’essence démocratique (et pas technocratique), et donc le plus susceptible d’être à l’écoute des préoccupations des Français, comme il l’a par ses interventions en 2018. C’est de plus une institution dont le rôle au fur et à mesure du temps n’a cessé de croître en Europe par rapport à celui de la Commission et du Conseil : au départ simple organisme consultatif, il est maintenant co-décisionnaire avec le Conseil.
Il faut que la montée en puissance du Parlement s’amplifie et le vote du mois de mai peut y contribuer.
Chacun de mes prochaines articles sera consacré à un problème majeur de la France et à la manière dont l’Europe peut nous aider à les traiter.
Cher Jean, merci de nouveau pour ton article clair et clairvoyant. Je suis en tous points d’accord avec son contenu. Je déplore l’action regrettable des populistes qui n’arrivent pas à admettre que l’échelle des problèmes a changé…!
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